Discussion:
[Avis] La servante écarlate
(trop ancien pour répondre)
Nicolas Delsaux
2017-10-25 18:23:41 UTC
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Je vous laisse retrouver les informations bibliographiques, je pense que
vous n'aurez aucun souci

Ce roman nous raconte l'histoire de Defred, servante écarlate donnant
son titre au roman. Dans cette histoire racontée à la première personne
(façon journal intime, donc), on découvre à travers son histoire
personnelle l'histoire plus globale de la transformation des Etats-Unis
en une espèce de régime autoritaire curieux, où la plus grande vertu
d'une femme est d'être un utérus fertile, cette vertu en faisant un
personnage un peu marginal, à protéger de tout (et surtout d'elle-même).
Par où commencer ?
Eh bien simplement par l'écriture.
Vous savez que je tiens en horreur les récits introspectifs comme
L'assassin royal, où le personnage passe son temps à se lamenter su sa
petite personne. Et dans ce récit, c'est précisément le cas : Defred
passe beaucoup de temps à se demander que faire, comment elle a pu en
arriver là, est-ce que ce qu'elle fait est vraiment ce qu'elle doit
faire. J'aurais dû détester, donc. Et pourtant, grâce à la plume de
l'auteure, j'ai apprécié de rentrer dans la tête de cette femme qui
n'est pas héroïque, mais qui n'est pas non plus particulièrement lâche.
Et franchement, il s'y passe des choses, dans sa tête. Entre son statut
d'incubatrice vivante qui la rend inapte à toute activité, les éléments
culturels locaux (sur lesquels je reviendrai évidement), ses sentiments
pour ses proches et pour ceux qui l'entourent (ce qui n'a absolument
rien à voir), il y a quand même une vie intérieure assez riche - et
fascinante - à découvrir. Une vie intérieur dont le thème central, assez
facile à deviner, est la place de la femme dans la société : doit-elle
être réduite à sa biologie ? doit-elle être "l'égale de l'homme" ?
doit-elle rester une espèce de déesse domestique ? Toutes ces questions
sont évidement des thèmes féministes, ce qui pourrait faire de ce roman
une espèce d'anti-manifeste féministe montrant comment ne pas aider les
femmes dans nos sociétés.
Pourtant ça n'est pas le thème principal du roman (selon moi). Je dirais
même plutôt qu'il s'agit plus d'une forme assez subtile d'accroche
permettant au lecteur de rentrer dans ce monde.
En effet, on entre dans cet univers par le statut très étrange - pour
moi - de Defred, avant qu'elle nous permette, par petites touches, de
comprendre qu'il s'agit d'un univers très dystopique, ou plutôt (puisque
l'auteure insiste là-dessus dans sa postface) très autoritaire.
Typiquement, ça fait penser aux divers théocraties (les royaumes
moyen-orientaux actuels en sont le meilleur exemple) ayant pu exister
sur notre planète. Et c'est ce que veut montrer l'auteure : qu'en
s'appuyant sur la "foi" des citoyens et leur désir d'ordre qui peut
mener à des modes de vie suffisamment radicaux pour être qualifiés de
totalitaire (je fais des circonlocutions, mais je pense que le sujet
nécessite un peu de prudence sémantique). Et c'est franchement bien
fait. Parce que du début à la fin, tout m'a semblé "réaliste" (l'auteure
explique d'abord brillamment pourquoi dans sa postface). Et réussir à
mettre en scène dystopie avec un tel réalisme, avec une telle
vraissemblance (malgré les trous évidents dans la présentation du
contenu) est à mon sens un vrai chef d'oeuvre. Je comprend pourquoi une
chaîne de télé en a fait une série.
Evidement, les dimensions intimes et globales du récit ne tiennent que
grâce à une chose : une écriture qui, malgré le thème, était d'une
clarté, d'une limpidité que j'ai trouvé vraiment chouette. Il n'y a
jamais de phrases interminables, jamais de tentation visible de faire de
la littérature, mais toujours le besoin de faire un texte aussi lisible
qu'élégant.
Du coup, je comprend pourquoi ce roman a une telle aura critique et
publique. C'est vraiment, à mon sens, une lecture indispensable à
l'amateur un peu exigeant de science-fiction.
--
Nicolas Delsaux
"Putain, mais quelle fichue imagination je peux avoir !"
John Brunner - Tous à Zanzibar
robby
2017-10-25 20:38:44 UTC
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Le 25/10/2017 à 20:23, Nicolas Delsaux a écrit :

As-tu vu la série qui en a été tirée ? ( 1ère saison diffusée cette année ).
A quel point est-elle fidèle ou différente, exhaustive ou partielle ?
--
Fabrice
Jean-Luc
2017-10-26 09:47:37 UTC
Permalink
Post by Nicolas Delsaux
Je vous laisse retrouver les informations bibliographiques, je pense que
vous n'aurez aucun souci
Ah Atwood !
--
Jean-Luc Pruvost
*La phrase suivante est une citation générée aléatoirement.*
"Elle se fait assez souvent draguer à la fête de l'escargot près de
Louvigny..."
- Hum les bisous baveux -
D. Zimmermann, soirée de Noël 2008 vers 23h15
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